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  • Photo du rédacteurAude Bertoli

“ Je me suis tue “



A travers ce drame psychologique d’une formidable intensité, l’auteur Mathieu Menegaux parvient à merveille à se glisser dans la peau d’une femme confrontée à un grave traumatisme et qui ne sait comment y faire face. Claire voit sa vie basculer lorsque, en rentrant de soirée à vélo, elle est violée par un SDF dans un tunnel sordide. L’enchaînement des décisions que la jeune femme prend alors confine à la catastrophe et c’est tantôt avec compassion, tantôt avec irritation que l’on assiste, impuissants, à la chute de Claire.


D’un point de vue psychologique, le cramponnement de l’héroïne au déni est très intéressant. Pour survivre, Claire tente tant bien que mal (et plutôt mal) de faire comme si le viol n’avait jamais eu lieu. Cette stratégie de défense est très répandue et permet de pallier à une détresse trop massive, spécialement dans les premiers temps suivant le traumatisme. Cependant, ce mécanisme de défense devient vite délétère et force est de constater qu’il dessert Claire, qui passe à côté de délais de réactions centraux et qui se précipite dans le vide, sans retour en arrière possible.


Le passage du statut de victime à celui de coupable est également, selon moi, un aspect névralgique de ce livre, tant il démontre la porosité des frontières existantes entre ces deux états. A travers le viol et la suite des événements, Claire se voit dépossédée de son corps et par extension de sa capacité d’action et de choix. Le passage d’un statut de victime, caractérisé par la passivité subie, à un statut de coupable, à travers lequel transparaissent une agentivité et un choix d’action, est une hypothèse possible pour expliquer le devenir criminel de Claire. Agir, même envers et contre tout ce qui est dans son intérêt, permet à la jeune femme de reprendre les rênes de sa vie et d’accomplir enfin une action dans ce vaste drame où elle ne fait finalement qu’endurer en silence.  


Claire se taira jusqu’à la fin puisque même lorsqu’elle décide d’expliquer enfin ses gestes, elle le fera par écrit et non par la parole. « Je me suis tue » expose ainsi la problématique du stress post-traumatique sous différents aspects bien spécifiques à la personnalité de l’héroïne, et tente d’expliquer comment, à cause d’une effraction psychique et corporelle d’une grande violence, un être humain sain d’esprit peut être amené à perdre pied et à commettre l’irréparable. 


Aude Bertoli / 15 Juin 2017

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